ECLOSIONS

A sa mémoire, soixante cinq ans, après sa disparition le 26 novembre 1949, un espace dédié à l’art portant son nom sera inauguré à La Marsa.
La Galerie Alexandre Roubtzoff a le plaisir de vous convier au vernissage de son ouverture, avec l’exposition ECLOSIONS.

Imed JEMAIEL (né en 1965)
Après des études aux Beaux–Arts (1986-1990) marquées par un jeu de postures, interrogeant les moments forts de l’histoire de l'art moderne et contemporain.
Imed Jemaiel va se focaliser graduellement sur le dessin au travers les signes écrits ou dessinés.
Il est passé de l’écriture manuscrite à l’image et de la figure à l’écriture. Ce sont les deux opérations majeurs qui animent la démarche de notre artiste.
Voir ou lire? l’œil hésite dans ce fouillis où semble s’annoncer une encyclopédie fictive racontant la vie étrange de créatures de pigment. Au final le lisible le cède au visible et au profit d’une hymne à l’imaginaire.

Adel AKREMY (né en 1956 à Tunis)
C’est un artiste autodidacte qui a inventé son propre style.
Il entame sa belle aventure, en peignant essentiellement sur des sacs de ciments puis sur des panneaux de bois récupérés, des toiles de jutes pour enfin aboutir au noble support qu’est la toile retournée.
Dans ses œuvres, on découvre avec bonheur le cubisme de ses formes qui se mélange avec les rondeurs de Botero où Picasso rencontre Gorgi, Bellagha rencontre Ben Salem et Dhahak rencontre Klee et Macke.
Il bouscule joyeusement tous les codes et refuse de s’incliner aux règles habituelles.
Il s’inscrit dans cette synergie des grands maîtres de l’art contemporain.

Rachida AMARA
Artiste graveur Tunisienne, née en Tunisie.
Diplômée en spécialité gravure de l’école des beaux arts de Tunis, obtenue en 1998.
Diplômée en taille et gravure sur verre du Centre Européen de Formation et des Recherches aux Arts du Verre de Nancy en 2002.
Installée à Tunis Capitale.
Résidente à la Cité Internationale des Arts de Paris 2010/2011.
Artiste graveur, peintre Tunisienne. Installée à Tunis depuis 1998. Elle a participé dans des expos nationales et internationales: France, Italie, Espagne, Berlin, Serbie.

BEN FREDJ BAKER (né en 1965 à Hammamet)
Passionné par l’art depuis son plus jeune âge, Baker Ben Fredj a intégré l’ITAUT en 1986 avec le choix de se spécialiser en gravure. Avec une maîtrise d’enseignement d’arts plastiques et graphiques, il fait le choix courageux de se consacrer entièrement et exclusivement à son art. Depuis le début de sa carrière, Baker enchaine les expositions, personnelles et collectives, en Tunisie et à l’étranger (Belgique, Suisse, France, Autriche, Maroc, Hollande, Allemagne, Egypte, Chine). Artiste honoré par l’union des artistes plasticiens tunisiens, Baker a un parcours artistique assez impressionnant ; il combine les techniques mixtes, alliant par moments le collage, l’acrylique et la gravure, expérimentant ainsi différents styles et différentes matières, pour le plus grand bonheur des amateurs d’art. Baker puise son inspiration dans la nature qui l’entoure ; ainsi, le poisson, la feuille et l’écorce sont des éléments récurrents dans ses compositions. Sans doute les traces de son enfance à proximité de la douceur de la mer et des vergers d’Hammamet.

Hamadi BEN NEYA ( né à Tunis en 1963)
En tant qu’amateur d’antiquité et recherchant des objets de curiosité, j’ai connu Hamadi, il y a une quinzaine d’années comme ferrailleur au bord du lac de la Soukra, sur le terrain de ces ancêtres, où il disposait son Bric à Brac sur un vaste parc avec une vue splendide sur la baie de Gammarth, où j’allais fouiner accompagné de ma petite fille Sabrine.
A part quelques objets qu’il gardait jalousement sans savoir exactement pourquoi, il acceptait de nous vendre ce qu’on choisissait.
Depuis de longues années, cet homme sensible au monde qui l'entoure, collectionne des objets de récupération. Il s’est familiarisé avec les formes des objets collectés, qui ont imprégné son âme.
Pour la réalisation de films, les professionnels du cinéma ont souvent recourt à lui pour lui louer des objets parmi sa collection entreposée dans sa grande caverne d’Ali Baba.
C’est par le biais de cette activité qu’il a fréquenté plusieurs intervenants dans le domaine de l’art et a découvert que la sculpture était un jeu d’enfant pour lui.
Avec sa grande facilité à manier les matériaux, sa sensibilité, et sa créativité, il était : un sculpteur dans son atelier comme un poisson dans l’eau.
C’est le type d’artiste qui, sans étude académique mais ayant trop vu, a fini par exploser en artiste créatif et talentueux.
Ses besoins de famille étant assurés, cet artiste, a pu exceller en pratiquant l’art pour l’art.
ll a enchainé ses expositions avec grand succès depuis 2011.
Hamadi Ben Neya est un artiste autodidacte, qui était le Ferrailleur d’art puis l’artiste sculpteur par excellence.
Seif Chaouch

Wissem EL ABED (né en 1977 à Sfax)
L’art du déplacement
par Marie Frétigny
Wissem El Abed est un artiste plasticien tunisien, et il vient de soutenir une thèse de doctorat en Arts Plastiques. Son travail de recherche universitaire exerce une grande influence sur sa production artistique, marquée par une démarche d’investigation rigoureuse. Le thème qu’il a choisi de développer dans sa thèse est la rencontre de l’autre, ou plutôt, le déplacement qu’implique la rencontre de l’altérité. Il se passionne pour toutes les réactions (curiosité, violence, attraction, rejet) qui accompagnent et déterminent la forme de ce déplacement. Ce thème construit une cohérence, celle du sujet, dans toute l’œuvre de W. El Abed qui se compose de dessins, de peintures et d’objets.
Wissem El Abed vient d’un pays fortement concerné par l’émigration. Il a grandi à Sfax, où il a suivi les cours de l’Institut Supérieur des Arts et Métiers. Major de promotion, il a reçu une bourse de troisième cycle pour poursuivre ses études en France. Il obtient alors un master d’Arts Plastiques à l’université de Paris I et s’est inscrit en thèse en 2000. Il a déjà exposé en groupe ou seul, notamment à la galerie Itinérance, et jusqu’en juin 2008, dirigeait avec Najah Zarbout l’Atelier de Recherche en Art Contemporain (A.R.A.C.) à la maison de la Tunisie de la Cité Universitaire à Paris.
En arabe les « zmigris » sont les émigrés, d’après une déformation du mot français. Chez W. El Abed, les zmigris prennent la forme de petits personnages noirs et ailés, qui volent dans le ciel comme une nuée de mauvais augure. Les yeux souffrants de ces personnages nous rappellent qu’ils sont finalement moins une menace pour les terres riches où ils vont se poser que pour eux-mêmes. Dans Zmigris 3, on ne discerne même pas de sol pour accueillir les zmigris, ceux-ci paraissent condamnés à errer perpétuellement entre ciel et terre, sans point de chute réconfortant. En voyant ici un personnage plus grand, accompagné de deux figures plus petites, on ne peut s’empêcher de penser au mythe d’Icare qui trouverait une actualité nouvelle. En effet, dans les pays du Sud, la jeune génération qui aspire au départ va ingénument se faire brûler les ailes, dans l’espoir d’un hypothétique avenir meilleur. Le contraste du volume noir sur le blanc du support, ainsi que le dépouillement de la mise en page font des œuvres de cette série les véhicules d’un discours de dénonciation particulièrement efficace.
Chez W. El Abed, le tragique de certaines situations humaines, loin de l’empêcher, semble plutôt faire naître un certain humour dans la représentation, notamment dans les dessins. Ceux-ci sont réalisés à l’encre sur du papier népalais, un papier particulièrement fragile qui demande beaucoup de minutie dans le tracé du dessin à la plume. Wissem El Abed aime prendre le temps de faire naître les formes petit à petit, et il laisse sa main le guider pour créer ce qu’il appelle des « grosses têtes », ces petits personnages au corps fluet et à la tête énorme et pleine de vide. Ces personnages évoquent la bande dessinée, avec leurs visages très expressifs et leurs attitudes corporelles particulièrement animées.
Dans Charter, trois petits personnages sont dessinés d’un trait qui vient dans la continuité de la ligne du sol. Ces figures représentent des hommes entravés dans leurs déplacements et contrastent fortement avec l’aviateur au dessus de leurs têtes. Ce personnage disproportionné (il maîtrise d’ailleurs un tout petit avion) dispose d’une parfaite liberté de mouvement et paraît ainsi décider du destin des autres. Entre le Nord et le Sud, les distances ne sont pas les mêmes pour tous, que ce soit sur le plan symbolique ou même de l’expérience vécue : alors que certains, insouciants passent la Méditerranée pour profiter de vacances peu onéreuses, d’autres attendent longtemps un voyage périlleux, et parfois se voient contraints de revenir sur des lieux qu’ils ont cherché à quitter à tout prix.
Mondes anciens et nouvelles technologies
W. El Abed est fasciné par les nouvelles technologies en ce qu’elles permettent de reposer la question du déplacement en de nouveaux termes. C’est à travers la peinture, mode d’expression traditionnel s’il en est, qu’il aborde ce terrain : il ne s’agit pas de se laisser fasciner mais bien de penser la façon dont les progrès techniques se conquièrent une place dans nos vies. Internautes représente un café internet traité sur un mode volontairement ludique, avec ses figures à grosses têtes rassurantes réparties dans un espace clairement lisible, ses lignes en arabesques et ses couleurs douces. Or, cette douceur n’est qu’apparente : l’œuvre rend bien compte de l’atmosphère étrange de ces lieux dédiés à la communication où chacun cependant est enfermé dans son propre cercle de liens. Cet aspect est rendu explicite par les casques qui soulignent la courbe des visages, et surtout par la présence insistante des câbles qui tirent des lignes tire-bouchonnées du centre vers la périphérie du tableau.
Les postures des figures procèdent d’une observation fine du comportement des internautes, projetés en imagination vers un ailleurs, mais étrangement immobiles dans la réalité. Enfin les ciseaux blancs, brandis sous cape par un internaute qui fait mine d’être absorbé par le travail de son binôme, fait clairement allusion à la censure. Dans une des expositions de W. El Abed, ces mêmes ciseaux blancs à bouts ronds étaient accrochés, très grands et en carton, à la vitrine de la galerie.
La peinture de Wissem El Abed procède de sa pratique du dessin, dont elle reprend l’iconographie. D’une manière générale, en dépit une mise en page plutôt dépouillée, l’œuvre de cet artiste donne souvent l’impression d’un certain foisonnement. Les dessins et peintures de W. El Abed jouent les uns par rapport aux autres pour former un véritable petit monde indépendant qui nous rappelle le nôtre.
La multiplicité des figures et les lignes tortueuses traduisent la vieille idée stoïcienne selon laquelle les hommes ne peuvent pas s’empêcher de se déplacer, de s’agiter en tous sens. On peut s’émouvoir de ce besoin si humain, mais les implications liées aux mouvements de population sont toutes politiques : W. El Abed défend une position selon laquelle chacun a droit au voyage, au changement, à la perspective d’un recommencement.
Car face à ce désir de changement, il y a tous les obstacles qui empêchent l’homme de voyager. Les objets de Wissem El Abed, en particulier explorent cette dimension. Cap pas bon, reprend le nom du Cap Bon, au Nord-Est de la Tunisie, et qui est une des portes empruntés par les clandestins en route vers l’Europe. L’œuvre est constituée d’un bateau aux formes naïves de cocotte en papier, réalisé avec des emballages de Harissa colorés (de la marque Cap Bon), et presque entièrement coulé dans un bloc de résine d’inclusion transparent : seul le haut de la voilure émerge de ce bloc d’eau figée. L’un ex-voto est d’une ironie plombante.
Bavures et glissements
Les œuvres de W. El Abed laissent souvent leur place aux mots, à l’écriture. Les titres jouent sur plusieurs niveaux de sens, mais au sein de l’œuvre, l’écriture n’est pas réellement déchiffrable et figure plutôt pour sa valeur symbolique ou pour la richesse visuelle de sa calligraphie. Le texte est présent pour poser la question de son interprétation, et dénonce ainsi l’utilisation qu’en font certains comme d’une autorité indiscutable. Dans Dessin 2, l’homme de droite a la tête littéralement farcie de deux lignes écrites en arabe qui lui barrent le front comme deux rides d’inquiétude. L’expression de cet homme n’est pas particulièrement sereine, d’autant qu’il se trouve face à une figure accroupie, la bouche grande ouverte, dans laquelle il semble prêt à envoyer la boule de bowling qu’il tient à la main. On peut faire le rapprochement entre cet envoi violent (on imagine les dents qui culbutent comme des quilles) et les idées sans nuance que certains essaient d’inculquer à des jeunes incapables d’une distance critique suffisante. La référence aux islamistes est transparente : dans une réflexion sur la rencontre de l’altérité, le refus de cette altérité et le repli qu’elle fait naître ont une place de premier ordre.
Parfois, comme dans ce dessin, des accidents se produisent et des taches viennent ajouter leur rythme aléatoire à la composition. Wissem El Abed les interprète comme une expression de mélancolie, une giclure de bile noire.
D’autres taches, sur un oreiller bien rembourré, viennent tracer une géographie brouillée du monde. Contre une cartographie scientifique et objective, l’artiste présente le flou des frontières éprouvé dans l’expérience du déplacement. La bavure évoque aussi la situation qui échappe au contrôle et provoque des conséquences dramatiques. La couleur même des taches, d’un marron rougeâtre, peut rappeler le sang séché, et plus encore si l’on comprend qu’elles sont en fait du café, symbole et enjeu par excellence de la question d’une parité dans le commerce entre le Nord et le Sud.
Sur un sujet grevé par les idéologies et les incompréhensions mutuelles, les petits bonshommes à grosse tête de Wissem El Abed nous offrent une démonstration qui a la légèreté des bulles de savon, sans naïveté ni indulgence.

Ekram TIRA
Elle a fait ses études à l'école supérieure des beaux-arts de Tunis où elle a obtenu un mastère en sciences et techniques des arts, enseigne depuis 2007 l'éducation plastique aux lycées. Elle a débuté sa carrière avec un séjour d'une année au Centre des Arts vivants de Radés en 2007. Elle s'intéresse aux Images de masse et s'interroge sur une société dite de consommation. Sa pratique artistique commence par la colle et appelle les ciseaux pour une recomposition des images qu'elle récupère dans les brochures et les catalogues. Elle joue à faire des "anagrammes d'images" laissant naître ses figures quasi-anthropomorphiques mi organique mi mécaniques. Des formes hybrides qui s'agencent inlassablement pour créer un monde second / nouveau.