ENLUMINURE
La Galerie Alexandre Roubtzoff a le plaisir de vous convier au vernissage de l'exposition personnelle « Enluminure » de Mabrouk Elkemel.
Vernissage :
Samedi 17 Février 2024 à 17h.
Samedi 17 Février 2024 à 17h.
Exposition :
Du 17 Février au 09 Mars 2024 à la salle d'exposition de la Galerie Alexandre Roubtzoff.
Du 17 Février au 09 Mars 2024 à la salle d'exposition de la Galerie Alexandre Roubtzoff.
Horaires d'ouvertures :
De 10h à 13h & de 15h à 19h sauf dimanche.
De 10h à 13h & de 15h à 19h sauf dimanche.
« Enluminure »
Mabrouk El Kamel selon le pinceau, l’eau et la couleur
Sur quoi le peintre fait toujours un autoportrait
Après un certain nombre de réalisations, l’artiste commence à être « vu » un peu plus distinctement : c’est qu’à chaque nouvelle occasion, et même lorsqu’il essaye de se renouveler, ce dernier se trouve toujours à répéter quelque chose. Cette sorte de redite, cette rémanence qui persiste d’une manière plus ou moins insistante, au grès des différentes œuvres, aussi protéiformes soient-elles, certains l’appellent : le style. Préférons à ce mot, par trop formaliste, une alternative plus poétique : l’autoportrait.
Aussi, Mabrouk El Kamel, nous conviant aujourd’hui à sa seconde exposition personnelle, en arrive -nous semble-t-il- au seuil de cette étape cruciale, où chaque objet qu’il adjoint à l’univers de ses œuvres, ajoute un trait à son « autoportrait ». Evidemment, ce n’est pas de l’apanage d’une tête, mais c’est d’un autre visage qu’on parle. Ici, le phénomène d’identification, ne relève pas de la ressemblance « géométrique » avec un référent (comme dans le cas d’un portrait représenté), mais plutôt, il émane d’une sorte d’appartenance « génétique » ; de surcroit, d’une familiarité phénotypale. C’est-à-dire, disons-le autrement, que si l’on considère que Mabrouk El Kamel s’autoportraitise, c’est dans la mesure que d’une certaine façon, ses œuvres lui ressemblent, tout à la manière avec laquelle on peut envisager qu’un acte puisse ressembler à quelqu’un.
Mais cela n’est pas toujours le cas de le dire, car faut-il, a priori, que l’artiste veuille nous livrer à travers son art, quelque chose de lui-même. Et si ceci n’est possible qu’à la condition d’un minimum de sincérité, ce n’est pas ce qu’on daignera aux vertus de ce qui se présente au plaisir de nos yeux aujourd’hui.
Sur quoi ses œuvres lui ressemblent, quoi qu’il fasse
En parlant des mobiles de ce deuxième opus, Mabrouk n’avait de cesse de réitérer les ré-formes dans ses façons de faire. Sensible à la manière dont les gens l’avaient dévisagé lorsqu’il s’est exposé la première fois, il a décidé de changer, semble-t-il. Mais aujourd’hui, on ne constate guère de « sortie de peau », s’agit-il au plus d’un changement de posture. Est-ce qu’il y a amélioration ? Est ce qu’il y a, du moins, une évolution ? La réponse n’en est pas simple. Ces questions qui hantent souvent les artistes tout au long de leurs cheminements, sont telles les impulsions systoliques de l’art. Ce qu’on peut en dire, tout au plus, c’est de rappeler cette réalité évidente : un portrait, c’est toujours un ratage. Ce qu’on fait, alors, à ce propos, ce sont des rectifications. Or, l’identité de l’artiste, n’est-ce pas ce qui persiste au-delà de ses remous, ses élans et ses replis ? Par ailleurs, ce qui reste perceptible, à travers les subtils décalages entre ses mille visages, sont-ce les traces des différents gisements de son énergie créatrice ?
A ce sujet, et pour ce qui est de l’évolution des œuvres de Mabrouk El Kamel, troquer le noir contre le blanc, substituer des gammes de couleur, changer les supports, etc., on n’en fera pas grand cas. Ce qui nous a semblé exercer la plus forte inertie, au détriment de toutes ces variations, ce sont quelques principes fondamentaux communs à tous ses tableaux, et qui rendent incessamment présent quelque chose qui lui est propre.
Sur quoi le peintre exerce son pouvoir démiurgique sur les matières informes
Tout d’abord, il y a cette relation intimiste avec la matière. Si on devait lui associer un type, notre artiste ne serait pas celui qu’on imaginerait travailler en recul. Mais plutôt celui qui approche le visage de ses supports, pour les scruter dans leurs infimes détails, jusqu’à l’échelle de leur granulosité. C’est là où se déroule de formidables spectacles enchanteurs : au contact d’un fluide primaire, déposé préalablement au pinceau sur le support, une pointe de couleur lâche sa substance qui se propage semblablement à l’effet d’une déflagration. La matière se diffusant rapidement via des chemins transparents, perd en célérité à mesure que la teneur des différents fluides s’équilibre. Au point de stabilité on obtient une conformation colorée qui tient à la fois de la maitrise et de l’accident. C’est dans ce « liquide amniotique » que naissent donc les premières formes en devenir. C’est dans cette mer (mère ?) originelle que la physique donne ses lois en spectacle. Mais, on le sait déjà depuis longtemps, il n’est pas de génération spontanée ! A l’échelle microcosmique de ces évènements, une ombre jette son voile. Ce sont les gigantesques doigts de Mabrouk El Kamel qui viennent du ciel pour parsemer des grains de sel, et dire ainsi : que les points soient !
Sur quoi le peintre en partant d’une expérience subjective peut trouver l’universel
Le sel qui vient absorber l’eau, change les zones de concentration des pigments : les grosses particules colorées, tout en perdant graduellement leur solvant, se déposent en formant des petites taches au seuil des cristaux salins.
C’est ainsi que notre peintre alchimiste exploite les propriétés déshydratantes du sel pour intervenir sur cette mécanique des fluides et créer in fine des textures. Avec autant de curiosité renouvelée, il ne se lasse de ce processus qu’il reprend et répète en s’étalant sur les différentes régions du tableau, et où les formes, au début sommairement esquissées au trait fin, prennent leurs teintures au sein de cet écosystème visuel.
A ce stade, il nous parait patent qu’à la conséquence des procédés en œuvre dans ce laboratoire des formes, la force osmotique qui tire les pigments de l’encre, soustrait par la même occasion quelque chose de Mabrouk El Kamel. Ce qui s’exorcise, on le voit lorsqu’entrent en œuvre les traceurs durs, et qu’au bout de leurs pointes, s’incarnent avec les lignes sinueuses le dessin final d’un imaginaire foisonnant.
Au bout du compte, les images obtenues au terme de ce processus, c’est le transformé de la matière en fonction de l’appareil psycho-sensorio-cognitif de notre artiste. En somme, ce qu’il inscrit, ce sont des concrétions d’images mentales formées à partir d’un mélange complexe de vécu et de rêvé.
On y voit beaucoup de gens. Dans un espace sans profondeur, la disposition en registre des figures s’approprie l’esthétique des hiéroglyphes. On y déchiffre la convivialité de la famille, des proches, des amis, de la communauté, voire de la tribu. On y entrevoit les ressouvenirs de l’arrière-pays. D’ailleurs, la proximité avec la nature dans le fragment de vie passé au village de Mazouna, apporte son lot d’images qu’on devine à travers les manifestations d’une végétation luxuriante, et autant d’espèces animales sauvages et domestiques. Mais on y trouve aussi sublimé le citadin d’aujourd’hui, avec par certains endroits, un surplus de figures architecturales, ainsi que la présence abondante de voitures, roues et bicyclettes, traduisant peut-être les stigmates des infernaux soucis de locomotion de la vie moderne.
C’est ainsi que Mabrouk El Kamel nous dépeint des fragments du monde qui l’habite. Même les bizarreries anatomiques ne sont pas de simples tournures de styles plasticiennes, mais ceux qui le connaissent de près savent comment elles s’originent dans le mordant de son quotidien…
C’est dire que ces sortes de parchemins présentés à notre attention, décrivent des fables à teneur hautement biographique. Et lorsque dans cette quête, l’artiste sait, comme à présent, trouver la voie de l’authenticité, il ne peut manquer de nous aménager un lieu de rencontre, où à travers ce qu’il donne à voir, par les mystérieuses voies de l’empathie, il peut arriver qu’on se voie.
Mabrouk El Kamel selon le pinceau, l’eau et la couleur
Sur quoi le peintre fait toujours un autoportrait
Après un certain nombre de réalisations, l’artiste commence à être « vu » un peu plus distinctement : c’est qu’à chaque nouvelle occasion, et même lorsqu’il essaye de se renouveler, ce dernier se trouve toujours à répéter quelque chose. Cette sorte de redite, cette rémanence qui persiste d’une manière plus ou moins insistante, au grès des différentes œuvres, aussi protéiformes soient-elles, certains l’appellent : le style. Préférons à ce mot, par trop formaliste, une alternative plus poétique : l’autoportrait.
Aussi, Mabrouk El Kamel, nous conviant aujourd’hui à sa seconde exposition personnelle, en arrive -nous semble-t-il- au seuil de cette étape cruciale, où chaque objet qu’il adjoint à l’univers de ses œuvres, ajoute un trait à son « autoportrait ». Evidemment, ce n’est pas de l’apanage d’une tête, mais c’est d’un autre visage qu’on parle. Ici, le phénomène d’identification, ne relève pas de la ressemblance « géométrique » avec un référent (comme dans le cas d’un portrait représenté), mais plutôt, il émane d’une sorte d’appartenance « génétique » ; de surcroit, d’une familiarité phénotypale. C’est-à-dire, disons-le autrement, que si l’on considère que Mabrouk El Kamel s’autoportraitise, c’est dans la mesure que d’une certaine façon, ses œuvres lui ressemblent, tout à la manière avec laquelle on peut envisager qu’un acte puisse ressembler à quelqu’un.
Mais cela n’est pas toujours le cas de le dire, car faut-il, a priori, que l’artiste veuille nous livrer à travers son art, quelque chose de lui-même. Et si ceci n’est possible qu’à la condition d’un minimum de sincérité, ce n’est pas ce qu’on daignera aux vertus de ce qui se présente au plaisir de nos yeux aujourd’hui.
Sur quoi ses œuvres lui ressemblent, quoi qu’il fasse
En parlant des mobiles de ce deuxième opus, Mabrouk n’avait de cesse de réitérer les ré-formes dans ses façons de faire. Sensible à la manière dont les gens l’avaient dévisagé lorsqu’il s’est exposé la première fois, il a décidé de changer, semble-t-il. Mais aujourd’hui, on ne constate guère de « sortie de peau », s’agit-il au plus d’un changement de posture. Est-ce qu’il y a amélioration ? Est ce qu’il y a, du moins, une évolution ? La réponse n’en est pas simple. Ces questions qui hantent souvent les artistes tout au long de leurs cheminements, sont telles les impulsions systoliques de l’art. Ce qu’on peut en dire, tout au plus, c’est de rappeler cette réalité évidente : un portrait, c’est toujours un ratage. Ce qu’on fait, alors, à ce propos, ce sont des rectifications. Or, l’identité de l’artiste, n’est-ce pas ce qui persiste au-delà de ses remous, ses élans et ses replis ? Par ailleurs, ce qui reste perceptible, à travers les subtils décalages entre ses mille visages, sont-ce les traces des différents gisements de son énergie créatrice ?
A ce sujet, et pour ce qui est de l’évolution des œuvres de Mabrouk El Kamel, troquer le noir contre le blanc, substituer des gammes de couleur, changer les supports, etc., on n’en fera pas grand cas. Ce qui nous a semblé exercer la plus forte inertie, au détriment de toutes ces variations, ce sont quelques principes fondamentaux communs à tous ses tableaux, et qui rendent incessamment présent quelque chose qui lui est propre.
Sur quoi le peintre exerce son pouvoir démiurgique sur les matières informes
Tout d’abord, il y a cette relation intimiste avec la matière. Si on devait lui associer un type, notre artiste ne serait pas celui qu’on imaginerait travailler en recul. Mais plutôt celui qui approche le visage de ses supports, pour les scruter dans leurs infimes détails, jusqu’à l’échelle de leur granulosité. C’est là où se déroule de formidables spectacles enchanteurs : au contact d’un fluide primaire, déposé préalablement au pinceau sur le support, une pointe de couleur lâche sa substance qui se propage semblablement à l’effet d’une déflagration. La matière se diffusant rapidement via des chemins transparents, perd en célérité à mesure que la teneur des différents fluides s’équilibre. Au point de stabilité on obtient une conformation colorée qui tient à la fois de la maitrise et de l’accident. C’est dans ce « liquide amniotique » que naissent donc les premières formes en devenir. C’est dans cette mer (mère ?) originelle que la physique donne ses lois en spectacle. Mais, on le sait déjà depuis longtemps, il n’est pas de génération spontanée ! A l’échelle microcosmique de ces évènements, une ombre jette son voile. Ce sont les gigantesques doigts de Mabrouk El Kamel qui viennent du ciel pour parsemer des grains de sel, et dire ainsi : que les points soient !
Sur quoi le peintre en partant d’une expérience subjective peut trouver l’universel
Le sel qui vient absorber l’eau, change les zones de concentration des pigments : les grosses particules colorées, tout en perdant graduellement leur solvant, se déposent en formant des petites taches au seuil des cristaux salins.
C’est ainsi que notre peintre alchimiste exploite les propriétés déshydratantes du sel pour intervenir sur cette mécanique des fluides et créer in fine des textures. Avec autant de curiosité renouvelée, il ne se lasse de ce processus qu’il reprend et répète en s’étalant sur les différentes régions du tableau, et où les formes, au début sommairement esquissées au trait fin, prennent leurs teintures au sein de cet écosystème visuel.
A ce stade, il nous parait patent qu’à la conséquence des procédés en œuvre dans ce laboratoire des formes, la force osmotique qui tire les pigments de l’encre, soustrait par la même occasion quelque chose de Mabrouk El Kamel. Ce qui s’exorcise, on le voit lorsqu’entrent en œuvre les traceurs durs, et qu’au bout de leurs pointes, s’incarnent avec les lignes sinueuses le dessin final d’un imaginaire foisonnant.
Au bout du compte, les images obtenues au terme de ce processus, c’est le transformé de la matière en fonction de l’appareil psycho-sensorio-cognitif de notre artiste. En somme, ce qu’il inscrit, ce sont des concrétions d’images mentales formées à partir d’un mélange complexe de vécu et de rêvé.
On y voit beaucoup de gens. Dans un espace sans profondeur, la disposition en registre des figures s’approprie l’esthétique des hiéroglyphes. On y déchiffre la convivialité de la famille, des proches, des amis, de la communauté, voire de la tribu. On y entrevoit les ressouvenirs de l’arrière-pays. D’ailleurs, la proximité avec la nature dans le fragment de vie passé au village de Mazouna, apporte son lot d’images qu’on devine à travers les manifestations d’une végétation luxuriante, et autant d’espèces animales sauvages et domestiques. Mais on y trouve aussi sublimé le citadin d’aujourd’hui, avec par certains endroits, un surplus de figures architecturales, ainsi que la présence abondante de voitures, roues et bicyclettes, traduisant peut-être les stigmates des infernaux soucis de locomotion de la vie moderne.
C’est ainsi que Mabrouk El Kamel nous dépeint des fragments du monde qui l’habite. Même les bizarreries anatomiques ne sont pas de simples tournures de styles plasticiennes, mais ceux qui le connaissent de près savent comment elles s’originent dans le mordant de son quotidien…
C’est dire que ces sortes de parchemins présentés à notre attention, décrivent des fables à teneur hautement biographique. Et lorsque dans cette quête, l’artiste sait, comme à présent, trouver la voie de l’authenticité, il ne peut manquer de nous aménager un lieu de rencontre, où à travers ce qu’il donne à voir, par les mystérieuses voies de l’empathie, il peut arriver qu’on se voie.