HOMMAGE
Habib BOUABANA était un peintre exceptionnel qui a marqué la peinture tunisienne du XXe Siècle. On l'appelait le "Modiagliani Tunisien".
Malgré ses différents avec l'École de Tunis, il a peint avec talent, mais à sa manière des scènes de la vie traditionnelle tunisienne. Cette Exposition-Vente comportera une quarantaine d'oeuvres sélectionnées de l'artiste.
Les oeuvres présentées dans cet Hommage proviennent de la Collection de l'un des amis de Bouabana. Cet ancien compagnon de l'artiste est connu ainsi que sa collection par les critiques d'art Bady Ben Naceur et Hocine Tlili d'une part et les artistes Habib Bida et Lamine Sassi d'autre part, qui ont dirigé la Table Ronde "Autour de Bouabana" le Samedi 23 Janv à la Galerie Roubtzoff et que je tiens à remercier vivement.
Habib Bouabana (1942-2003)
Durant toute sa vie d’artiste-bohème, Habib Bouabana fut un passant furtif et dans l’esprit rimbaldien, « un passant considérable ».
Il se sentait tour à tour un peu le Van Gogh, le Gauguin ou le Modigliani tunisien…
Vers les onze heures, quand il arrivait, ses amis, ses connaissances féminines « draguées » n’importe où, au hasard des rencontres, « poétisaient » sur son aspect « distingué », la chevelure longue et cet « air fatal » qui lui allait si bien.
Durant ces prolongations, l’alcool de la nuit souvent le fouillait tellement avec sa lime que Boa se métamorphosait, se mettait à guetter les moindres lueurs de ses noires litanies. Alors, vite, ses compagnons de voyage, mettaient à sa disposition une toile, des pinceaux, des tubes de peintures acryliques, des feuilles de canson, des pastels, des fusains. C’est ainsi que la nuit ouvrant son cœur à ce passant « furtif » et « considérable », naissait tout à coup, des œuvres lumineuses magiques à partir d’images fulgurantes qui apparaissaient dans son cerveau, cette chambre noire, pleine de mystères.
Bouabana se réclamait de la « modernité » c’est-à-dire ce qu’il avait vu à Paris ou au Suède d’un mariage aussi raté. Il aimait comme Néjib Belkhodja la peinture européenne et américaine en plus des styles de musiques nouveaux. De Mondrian, Klee, à Matisse, à Picasso et bien d’autres artistes du XXe siècle, tout passait et s’inscrivait dans les moindres replis de la mémoire de l’artiste. C’était là la matrice essentielle qui allait lui donner ce savoir-faire étonnant pendant les trente dernières années de sa vie.
Nous disions plus haut, que ses œuvres sur l’africanité, contenaient déjà cette chaleur essentielle-méditerranéenne aussi mais pas totalement abstraite comme chez Ridha Bettaieb ou Néjib Belkhodja. Il naviguait déjà entre l’art formel et informel. Des compositions fragmentées ou les parties du tableau effacées ont autant de signification que celles qui restent. Car on sent qu’il y a des choses sous la peinture. Et cela ne gêne en rien les autres aspects figuratifs qui vont se développer en très grand nombre jusqu'à son décès. Les amateurs de la peinture de Bouabana ont à ce jour une prédilection pour les milles et un portrait de ces femmes humbles anonymes.
Habib Bouabana était un peintre de la nature humaine mais pas de dame nature, même s’il a peint par-ci, par-là, des paysages, souvenir de ses escapades à travers le pays, il n’a pas beaucoup voyagé à l’étranger aussi, c’était pour renforcer le décor propice à la mise en relief de ses personnages citadins familiers, à travers une vision et des touches de plus en plus matissiennes.
Le vert qu’il utilisait était une couleur incontournable pour ses mélanges infinis. On a beaucoup écrit au sujet de la difficulté à pouvoir « lire » et comprendre les œuvres de l’artiste, offerte par des fragments de sens. Nous l’avons dit plus haut. Ce phénomène tire ses origines de la manière de peindre de Bouabana, quand la demande et dans il fut obligé de multiplier sa production jusqu’à saturation.
La peinture acrylique, d’après certain calcul, au sujet de la production «vertigineuse » de l’artiste, cette technique lui permettait de créer quelques trois cent (300) travaux à l’année. Dans notre esprit l’appellation de « passant furtif, passeur d’images » renvoie à cette aventure prodigieuse de l’artiste à une production sans doute jamais égalée, dans les annales de l’art en Tunisie. Beaucoup d’artistes, des générations montantes ont adoptés cette technique, avec la même rapidité quasi-instinctive, à achever l’œuvre sur le champ. Heureusement que les œuvres de Saint-Habib sont encore, dans leur grand nombre, à l’abri chez des particuliers qui sont, espérons-le attentifs à leur murissement !
Car la peinture continue de murir même quand le maitre a disparu. Elle nous parle pour lui, elle continue de vivre, elle est, comme le disait si bien Malraux à propos de l’Art, « un antidestin ».Et c’est tout dire…
Bady Ben Naceur
« Il y a mille manières de pleurer. Moi je pleure quand je rigole. Mon sourire et mon rire sont des larmes. Par respect des autres, je ne pleure pas, je ris »
Habib BOUABANA